De nouvelles preuves encourageantes concernant le jeûne associé à des thérapies ciblées contre le cancer

En juillet 2020, Nature, l’une des revues scientifiques les plus prestigieuses, a publié les résultats des effets de l’association du jeûne et de l’hormonothérapie, thérapie ciblée utile dans la lutte contre la plupart des cancers du sein (Caffa et al. 2020).

 

Que sont les «thérapies ciblées»? À la surface et à l’intérieur de chaque cellule animale ou humaine se trouvent des structures protéiques (récepteurs, antigènes, etc.) qui, interagissant les unes avec les autres, sont capables d’envoyer des signaux permettant de moduler la survie et la prolifération de la cellule. Les cellules cancéreuses peuvent communiquer avec ces structures protéiques de manière différente par rapport aux cellules saines. Les thérapies ciblées ont pour but de s’attaquer à ces structures protéiques spécifiques, connues pour transmettre, à la cellule cancéreuse, l’ordre de survivre et de proliférer. Les thérapies ciblées reconnaissent ces structures, puis se lient à elles pour entraver leur capacité à communiquer.

En d’autres termes, les thérapies ciblées sont des traitements moléculaires – anticorps ou autres petites molécules – qui combattent le cancer en bloquant ces processus cellulaires spécifiques, connus pour favoriser la survie et la prolifération des cellules cancéreuses. Trois familles de thérapies ciblées, en association avec le jeûne, font l’objet de recherches. Il s’agit de l’immunothérapie moléculaire avec inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI, immune checkpoint inhibitors), des traitements à base d’inhibiteurs de kinases – en particulier les tyrosines kinases (TKI, tyrosine kinase inhibitors) – et de l’hormonothérapie pour traiter le cancer du sein.

En ce qui concerne l’immunothérapie, des études précliniques (Ajona et al. 2020, Lévesque et al. 2019, Di Biase et al. 2016, Pietrocola et al. 2016, Cheng et al. 2014) révèlent que le jeûne peut activer le système immunitaire pour lutter contre la tumeur. Ces données laissent supposer que le jeûne en association à de l’immunothérapie moléculaire, par exemple, à base d’ICI, pourrait avoir des effets favorables. L’analyse de quatre patients révèle des modifications dans l’organisation du système immunitaire antitumoral, imputables au jeûne (De Braud et al. 2018). D’autres études cliniques sont en cours aux fins d’évaluer la réponse immunologique antitumorale stimulée par le jeûne (De Braud:NCT03454282, Nencioni:NCT03595540) et l’efficacité de ce dernier en association avec de l’immunothérapie à base d’ICI (Jalal:NCT03700437).

En ce qui concerne les inhibiteurs de kinase, les preuves précliniques existantes démontrent comment le jeûne augmente l’efficacité des TKI (Lo Re et al. 2017, Caffa et al. 2015) et d’un autre inhibiteur de kinase associé à l’hormonothérapie, le palbociclib (Caffa et al. 2020). Cependant, à notre connaissance, aucune étude clinique en cours ne permet d’observer l’efficacité du jeûne en association avec des TKI. Il existe, en revanche, une description encourageante de quatre patientes atteintes d’un cancer du sein, suivant un traitement à base d’hormonothérapie et de palbociclib en association avec le jeûne (Caffa et al. 2020).

La publication parue dans la revue Nature de juillet 2020 (Caffa et al. 2020) fournit de nombreuses preuves précliniques, issues de l’étude de cellules et modèles animaux. En plus d’accroître ses propres effets, l’hormonothérapie antitumorale, associée au jeûne, permet de ralentir le processus de résistance du cancer à ce traitement ciblé: une découverte de taille compte tenu de la résistance à cette thérapie, développée, au fil temps, par les tumeurs initialement sensibles.

Les effets antitumoraux de l’association du jeûne et de l’hormonothérapie sont liés à la diminution de certains facteurs hormonaux et métaboliques qui circulent dans le sang (tels que l’IGF1, l’insuline et la leptine) et persistent au-delà de la période de jeûne. On observe également, chez les souris soumises à de l’hormonothérapie en association avec le jeûne, une diminution de la graisse intra-abdominale, susceptible d’expliquer, du moins partiellement, ces changements métaboliques et hormonaux (Caffa et al. 2020). Une fréquence accrue de cancer du sein chez les personnes obèses a déjà été décrite (Eliassen et al. 2006, Tamini et al. 2016). Les résultats actuels penchent en faveur d’un possible effet préventif du jeûne contre le cancer du sein et d’autres tumeurs dont la prolifération dépend des mêmes facteurs hormonaux et métaboliques liés à l’obésité.

Cette même publication intègre les résultats de deux études cliniques en cours (De Braud:NCT03340935, Nencioni:NCT03595540) qui rapportent une bonne tolérance au jeûne périodique chez des patientes atteintes d’un cancer du sein et traitées par de l’hormonothérapie. Le jeûne est répété en moyenne à 5 ou 6 reprises, une fois par mois, par les 36 participantes, chez lesquelles on observe une diminution de l’IGF1 et de la leptine, qui persiste trois semaines après la fin des cycles de jeûne (Caffa et al. 2020).

L’association du jeûne et de l’hormonothérapie est une étape supplémentaire en faveur de la pratique du jeûne en concomitance avec des traitements antitumoraux. Le monde médico-scientifique s’accorde sur la nécessité de procéder à de plus amples études randomisées contrôlées pour confirmer cette approche avant de pouvoir l’intégrer dans la pratique clinique actuelle du traitement du cancer.

Mauro Frigeri MD et VMMT team

 

Références :

Ajona D et al. Short-term starvation reduces IGF-1 levels to sensitize lung tumors to PD-1 immune checkpoint blockade. Nature Cancer, 2020.

Caffa I et al. Fasting-mimicking diet and hormone therapy induce breast cancer regression. Nature, 2020.

Caffa I et al. Fasting potentiates the anticancer activity of tyrosine kinase inhibitors by strengthening MAPK signaling inhibition. Oncotarget, 2015.

Cheng C et al. Prolonged fasting reduces IGF-1/PKA to promote hematopoietic-stem-cell-based regeneration and reverse immunosuppression. Cell Stem Cell, 2014.

De Braud F et al. Safety, Feasibility and Metabolic Effects of the Fasting Mimicking Diet (FMD) in Cancer Patients: https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03340935

De Braud F et al. Impact of Dietary Intervention on Tumor Immunity: the DigesT Trial (DIgesT): https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03454282

De Braud F et al. Metabolic and immunologic effects of the fasting mimicking diet in cancer patients. In: Proceedings of the AACR-NCI-­EORTC international conference, 2017: Abstract B022.

Di Biase S et al. Fasting-mimicking diet reduces HO-1 to Promote T cell-mediated tumor cytotoxicity. Cancer Cell, 2016.

Eliassen AH et al. Adult weight change and risk of postmenopausal breast cancer. JAMA, 2006.

Jalal S et al. Fasting-mimicking Diet With Chemo-immunotherapy in Non-small Cell Lung Cancer (NSCLC): https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03700437

Lévesque S et al. A synergistic triad of chemotherapy, immune checkpoint inhibitors, and caloric restriction mimetics eradicates tumors in mice. Oncoimmunology, 2019.

Lo Re O et al. Fasting inhibits hepatic stellate cells activation and potentiates anti-cancer activity of Sorafenib in hepatocellular cancer cells. Journal of Cellular Physiology, 2017.

Nencioni A et al. Fasting-mimicking Diet in Patients Undergoing Active Cancer Treatment: https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03595540

Pietrocola F et al. Caloric restriction mimetics enhance anticancer immunosurveillance. Cancer Cell, 2016.

Tamini R et al. Population attributable risk of modifiable and nonmodifiable breast cancer risk factors in postmenopausal breast cancer. American Journal of Epidemiology, 2016.

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